Modeste employé, je ne rêve pas vraiment de l'indépendance du libre entrepreneur. Tout gérer, sur son propre patrimoine. Trop prudent et l'entreprise vivote sans gloire. Trop audacieux et elle échoue gravement.
Cependant, j'ai parfois du mal à comprendre comment, quand cette indépendance est voulue, acquise et revendiquée, certains chefs d'entreprise ne semblent pas audacieux, novateurs, plein de projets pour relancer leurs professions ou leurs quartiers d'implantation.
Les producteurs de lait, trop émiettés : chacun sa ferme, chacun ses vaches. Et hop ! Cueillis par les industriels qui font varier les prix d'achat à la baisse sans opposition de leurs petits fournisseurs. Car, isolé, le fermier doit écouler son lait pour faire vivre au quotidien l'exploitation. Isolé, il peut dire oui à ses méthodes sans savoir si ses voisins le soutiendraient en cas d'opposition ou le doubleraient en acceptant un prix bas, mais une vente quand même.
À Montpellier, les commerçants avec vitrines sur rues traditionnelles (donc, pas les centres commerciaux) ont peur du tramway. L'exemple des boulevards Louis-Blanc et Louis-Pasteur, au nord du centre historique, est ressassé sans cesse dans les commentaires critiques de ce moyen de transport en commun. Et là aussi, mon incompréhension : une fois passée l'épreuve des travaux et de la disparition de la circulation des bagnoles, pourquoi rester sur la même façon de commercer quand le quartier a tant changé ? S'adapter à la nouvelle clientèle qui vient remplacer les automobilistes garés en double file : commerces de proximité, d'objets transportables à pied, adaptés aux étudiants et aux familles bourgeoises de la proximité.
Et le faire savoir !
Dans les deux cas, cela suppose d'accepter qu'une partie de ses maigres bénéfices passent en communication syndicale ou publicitaire, gérée par le collectif pour un résultat très imprévisible alors que certaines marques et certaines parties de la ville n'ont même plus besoin de communiquer pour faire venir.
Et encore, parle-t-on de ces deux exemples laitiers et commerçants parce qu'ils râlent. Qu'en est-il des professions trop inconnues ou pas assez revendicatives ? Et des quartiers-dortoirs où les quelques commerçants qui ont parié l'ouverture baissent le rideau sans qu'un client ne s'en rendent compte ? Depuis les lotissements anciens dans tout le cercle intermédiaire d'une ville comme Montpellier jusqu'au quartier tout neuf de Port Marianne où habitants étudiants ou familiaux filent directement à la Comédie, à Odysseum ou au Carrefour de Lattes.
Les volontés de la main invisible du marché sont parfois impénétrables, côté offre, comme côté demande.